RADIO U • Bordel organisé - 2024-11-24 - Clet
4 minutes pour aborder les plus grandes répliques du cinéma, vous êtes bien dans Ma ligne de chance, sur Radio Campus Paris. Ma ligne de chance aborde aujourd’hui son second Marcel Carné, Le Quai des Brumes, avec une réplique de Jean Gabin sur les beaux yeux de Michèle Morgan, réplique qui est entrée dans la légende du cinéma.
https://www.youtube.com/watch?v=snY3L7RYOOs
« T’as d’beaux yeux tu sais. » Cette réplique de Jean Gabin nous a donné à penser. Voici donc notre interprétation, subjective bien sûr, de cette trouvaille du scénariste Jacques Prévert.
La phrase de Jean (Jean Gabin) adressée à Nelly (Michèle Morgan) est entrée dans la légende du cinéma. Elle précède de quelques secondes leur premier baiser. Son côté abrupt traduit d'abord la difficulté du personnage de Jean à accepter la sincérité du désir amoureux. Pourtant, le personnage n'a pas sa langue dans sa poche. En effet, tout au long du film, il n’hésite pas à dire à Nelly qu’elle lui plaît. Néanmoins, rares sont les scènes où il laisse libre cours à son sentiment. D’où l’ambiguïté de la réplique : on ne sait pas, au fond, si Jean n’essaie pas de dire autre chose que ce qu’il dit. Dire « T’as d’beaux yeux tu sais » n’est-ce pas une façon détournée, pudique, d’exprimer un « Je t’aime » qui serait trop difficile à énoncer ?
Découvrez notre podcast sur la réplique de Jean Gabin ! Nous l'analysons à partir du livre de Jean Baudrillard, De la séduction. Les signes, la distinction entre apparence et profondeur, le charme direct des yeux... Ces trois thèmes accompagneront notre réflexion.
Mais Jean Baudrillard ne suffit pas à comprendre la réplique de Jean Gabin. En effet, il affirme que les mots mettent fin à la tension d'un regard: la scène du Quai des brumes montre exactement le contraire. Au fond, parler de l'amour, n'est-ce pas le meilleur moyen de le susciter ?
Les références de l'émission:
Pour aller plus loin:
Sur la distinction entre profondeur et apparence, l'avant-propos du Gai Savoir de Nietzsche.
Pour la séduction puissante des yeux, Les Souffrances du jeune Werther de Goethe et les yeux noirs de Charlotte.
Quand l'amour se réduit aux paroles sur l'amour - une autre approche de la question avec le film Trois souvenirs de ma jeunesse d'Arnaud Desplechin.
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