Une autre émission musicale • Amplitudes
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Le tennis est entré dans ma vie en 2000 quand Mary Pierce a gagné Roland Garros, c’est mon premier grand souvenir de sport devant la finale de 98. Au lycée, où je n'avais pas accès à internet, j'achetais l'équipe plusieurs fois par semaines juste pour l'encadré d'une colonne qui résumait les scores de la veille et où les noms des français étaient en gras et je mettais Le Moscato show sur RMC tous les soirs pour les 30sec où ils parleraient de tennis ce qui m’a permis d’acquérir une culture assez éclectique et exhaustive du sport.
J'ai toujours eu deux grandes idoles : Roger Federer et Amélie Mauresmo. Federer pas besoin d'expliquer, quiconque possède au moins un œil et un minimum de sens du beau comprendra pourquoi. Mais Mauresmo c'était pas seulement une idole pour son jeu, splendide aussi au demeurant. C'était un modèle. Je me souviens très bien que je savais qu'en plus d’être une championne elle était lesbienne et je sais qu'au fond c'est pour ça aussi que l'aimait autant. Je n'avais pas de poster de Britney ou Madonna, ma Queen a moi, ma diva attitrée c'était une sportive, dont les Guignols se moquaient toutes les semaines à cause de sa machoire, de ses épaules et de son lesbianisme.
Mauresmo était aussi passée dans En Aparté, l’émission préférée de ma mère qui lui vouait depuis une grande admiration. Amélie était la preuve que ma mère pouvait apprécier une personne homosexuelle en toute connaissance de cause.
Quand j’y repense ça me semble dingue quand même, Mauresmo avait 19 ans quand elle a fait son coming out. 19 ans ! à une époque où personne quasiment ne le faisait, encore moins aussi jeune, si précocement dans une carrière où le mental et la pression sont si importants.
Quelques jours après MES 19 ans, Amélie a annoncé qu'elle prenait sa retraite et j'ai pleuré.
Ce qui est amusant c’est que j’ai découvert après qu’une partie non négligeable des plus grandes joueuses de l’histoire étaient lesbienne : Navratilova, Billie Jean King, Novotna. Mon inconscient avait donc réussi à se passionner pour le seul et unique sport alors réputé pour ses gouines.
Mais pourquoi tout ce laiüs sur ta vie Victor me demanderez-vous ? Et bien parce que samedi soir, dans le bar où je fêtais mes 32 automne, j'ai passé 3 heures à mettre à jour le score en live sur Tennistemple pour savoir qui de Caroline Garcia ou de Daria Kasatkina se qualifierait pour les demi-finales des masters Femme. Caroline Garcia est une joueuse française, longtemps espoir déçu, au jeu d’attaque ébouriffant mais dont le manque de précision peut donner des palpitations cardiaques à ses fans, et qui fait un retour triomphal cette année. Mais ce n’est pas le sujet.
Le sujet, (il est grand temps me direz-vous), c’est donc Daria Kasatkina, Dasha de son diminutif. Ce qui fait la particularité de Dasha ce n’est pas qu’elle aussi avait sombré dans les limbes du classement avant de remonter, ni qu’elle possède un jeu assez atypique sur le circuit fait de beaucoup de variations, ni même qu’elle est actuellement la n°1 russe. Non, ce qui rend Daria Kasatkina unique c’est qu’après avoir dénoncé publiquement l’invasion de l'Ukraine par son pays, elle a fait un coming out volontaire et retentissant en juillet.
« Ce n'est pas possible de vivre cachée, de vivre dans le placard. Sur le long terme, c'est trop difficile. Cela ne sert à rien car vous allez vous focaliser sur ça tant que vous n'aurez pas fait votre coming-out. Bien sûr, chacun est libre de décider comment l'annoncer et de décider ce qu'il veut dire. Mais être en paix avec soi est la seule chose qui compte, et que les autres aillent se faire foutre. »
Voilà précisément ce qu’a dit Dasha en interview.
Depuis elle s’affiche sur Instagram avec sa copine, Natalia Zabiiako, une médaillée olympique de patinage artistique qui la suit sur une partie des tournois et qu'elle embrasse publiquement. Quand on sait la virulence de la politique homophobe de Poutine, ce coming out est d’un courage absolument inouï. Quand je pense à ce qu’a pu représenter pour moi Amélie Mauresmo j’imagine l’impact sur la jeunesse de son pays en général et sur les LGBT russes en particulier du coming out de Dasha Kasatkina.
Dacha n’est pas retournée en Russie depuis le mois de juillet et elle n’est pas sure de pouvoir y retourner un jour, ni de revoir ses proches, de peur de se faire arrêter. Elle a même avoué à demi-mot envisager de changer de nationalité.
Chronique : Victor Ssamoth-Panetti