Ekloz • Tout Finira
Alors que le mois de décembre a commencé comme chaque année par la traditionnelle journée mondiale de lutte contre le SIDA, le 1er du mois, Olga voudrait remettre les points sur les “i” de VIH et de SIDA. Et pour commencer, oui oui, on parle bien de deux choses différentes…
Le VIH, c’est le virus de l’immunodéficience humaine. Le SIDA, ou syndrome de l’immunodéficience acquise, est la phase terminale de la maladie que peut causer le VIH s’il n’est pas traité, lorsque les défenses immunitaires ont été décimées, laissant les maladies opportunistes s’installer.
Cette différence est importante, parce qu’ici et aujourd’hui, l’immense majorité des personnes vivant avec le VIH n’a pas le SIDA, mot chargé d’histoire, de deuil, et de stigmatisation, aussi. C’est pour ça qu’on parle de prévention VIH, et de lutte contre le SIDA. Pourtant, de nombreux médias, et donc leurs publics, continuent de confondre les deux…
Hélas, ces approximations dépassent largement la question du vocabulaire. Et j’ai un exemple tout frais de cet écueil : durant le mois de novembre — trigger warning pédophilie — vous avez sans doute entendu parler de Yannick Poligné.
Ce prêtre de 52 ans a été placé en détention provisoire après avoir drogué et violé un adolescent de 15 ans. Je ne ferai l’affront à personne d’expliciter ce qu’il y a à penser de ces faits gravissimes et révoltants, et je défie quiconque de prendre les propos de la victime de violences sexuelles actuellement au micro pour les sortir de leur contexte et lui faire défendre cette ordure. Cependant, certaines publications, puis certains comptes féministes, ont souligné le fait que cet homme était séropositif, et qu’il n’avait pas utilisé de préservatif, dans l’énumération de ses méfaits.
C’est là que, face à une population en grand manque d’information, et à l’absence de nuance sur les réseaux sociaux, ça se complique. Tout violeur, pédophile et faux dévot qu’il soit, sa séropositivité est hors sujet. Et lorsqu’il a expliqué prendre son traitement VIH, rendant la transmission du virus impossible, les articles l’ont cité au conditionnel… Alors qu’il s’agit d’une réalité scientifique prouvée depuis 2008 !
En quelques semaines à quelques mois, une personne séropositive dépistée et traitée obtient une charge virale dite “indétectable”.
Cela signifie que la présence de VIH est si infime dans son organisme qu’iel ne peut plus le transmettre. Ainsi, les personnes séropositives protègent leurs partenaires grâce à ce traitement comme prévention, participant grandement à freiner l’épidémie de VIH.
En l’absence de soutien des autorités de santé, les associations peinent déjà bien assez à faire passer ce message au grand public sans ces navrants accès de sensationnalisme ! Rien ne justifie de faire de la désinformation. Pas même les actes abjects commis par un prêtre pédophile.
Utiliser le VIH comme facteur aggravant de la sorte, c’est vraiment du niveau de JK Rowling qui insiste sur la grosseur de Dursley père et fils pour les avilir, comme si être gros était une faute morale et un synonyme de méchanceté, alors que la violence de ces personnages dit déjà tout. Merde, j’avais dit que je parlais pas de TERFs ce soir… mais il me semblait vraiment nécessaire de montrer la paresse intellectuelle, et surtout le danger, de tels procédés narratifs.
Là, je m’adresse aussi aux comptes féministes à grande audience qui ont relayé cette effroyable histoire sans faire preuve de discernement sur la question du VIH. Et qui ont tenu des propos lamentables en réponse aux commentaires des acteurices de santé communautaire qui venaient faire de la pédagogie sous leurs posts. J’espère que vous avez les oreilles qui chauffent, histoire que ça vous motive à faire mieux la prochaine fois, car vous en avez la responsabilité.
Et ne venez pas me dire que j’exagère. Parce que la sérophobie — ensemble des discriminations qui pourrissent la vie des séropos — est bien réelle. Et nourrir cette dernière pour faire du clic, c’est inacceptable.
Permettez-moi enfin d’enfoncer le clou en rappelant que les discours sérophobes ont aussi la fâcheuse manie d’éloigner du dépistage — les gens ayant naturellement peur d’être traité·e·s comme des criminel·le·s ou des bombes à retardement à leur tour en cas de résultat positif. Pourtant, il y a 24 000 personnes qui vivent avec le VIH sans le savoir en France à ce jour. Imaginez un peu, si chacun de ces individus était dépisté et traité ? Iels ne transmettraient plus le virus, et le coup porté à l’épidémie serait décisif !
Bref, il est crucial de se renseigner auprès des assos de santé sexuelle, de se faire dépister régulièrement, et de remettre ses préjugés très très très datés en question. Parce que sans notre implication à toustes, vu les dégâts causés par le Covid, on n’a vraiment pas le cul sorti des ronces pour l’objectif 2030 sans VIH de l’ONUSIDA… alors même qu’on a tous les outils pour entre les mains pour y arriver. Soyons toustes séro-concerné·e·s et surtout, séro-solidaires !
Chronique : Olga Volfson
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