Nicolas Godin • Bach off
Après l'essor économique et la démocratie éclairée de la fin des années 50, le Brésil connait au début des années 60 une période confuse qui se conclut par un coup d'état militaire le 31 mars 1964. Comme une farce qui aurait tourné au tragique, les brésiliens se réveillent le 1er avril 64 sous le joug militaire, un cauchemar éveillé qui durera 21 ans.
Au gré de cançoes de protesto, des chansons engagées, les artistes brésiliens se mobilisent très tôt contre la dictature. Cependant, à l'image des lignes de fracture qui segmentent la société brésilienne, la scène musicale du pays est divisée entre les yéyé internationalistes menés par Roberto Carlos et les traditionalistes comme Elis Regina et Wilson Simonal qui défendent l'identité brésilienne de leur musique, au point d'être instrumentalisés contre leur gré par des mouvements politisés aux nauséabonds relents nationalistes. Dans ce contexte, une poignée de bahianais menés par Caetano Veloso et Gilberto Gil déboule sur la scène et crée une 3e voie qualifiée de Tropicália. Rejetant les nationalismes de la dictature de droite comme de la gauche bien-pensante, les tropicalistes sont fiers de leur patrimoine culturel brésilien autant qu'ils sont fans des Beatles ou d'Andy Warhol.
Cette révolution tropicaliste durera moins d'un an : la dictature durcit encore le ton fin 68 après la promulgation de l'Acte Institutionnel n°5, elle arrête Veloso et Gil avant de les contraindre à l'exil. Face à cette répression, d'autres artistes comme Geraldo Vandré et Chico Buarque optent également pour l'exil, quand ceux restés aux pays sont forcés de faire profil bas. En dépit de la junte, la scène musicale brésilienne poursuit son évolution musicale. Comme une plante qui se renforce à mesure qu'on l'élague, cette contrainte est créatrice de quelques-uns des plus beaux albums de l'histoire de la musique brésilienne, avec les hippies footeux de Os Novos Baianos et Clube Da Esquina, la bande du Minas Gerais menée par Milton Nascimento et Lô Borges. La censure bat son plein mais elle ne suffit pas à étouffer la contestation. Pour la contourner, nul ne fait preuve de plus d'imagination que Chico Buarque, avec ses textes à multiples niveaux de lecture et ses alias qui lui permettent de dissimuler sa véritable identité quand il écrit des textes critiquant le régime...
Durant 2h, Flagrant Soul vous emmène à la découverte de cette période charnière de l'histoire du Brésil et de sa musique, une parabole sur les vertus de la résilience et de l'optimisme en période de crise. Au programme, des morceaux de Caetano Veloso, Gilberto Gil, Gal Costa, Tom Zé, Os Mutantes, Jorge Ben, Os Novos Baianos, Chico Buarque, Gonzaguinha, Maria Bethânia, Lô Borges, Milton Nascimento, Nara Leão...
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