Amewu • Leidkultur
Je m’appelle Jade et je vais vous parler de portrait, de masculinité et de rugby.
Imaginez le portrait d’un homme. Il se tient devant vous, vêtu d'une tenue de sport bleu et blanche, une stature imposante et carrée, la moustache soigneusement taillée et des sourcils épais d'un noir profond. Perdu dans ses pensées, il fixe le spectateur. Dans sa main gauche, un ballon de cuir. Nous sommes en 1912 à Bayonne dans le Pays basque.
Mais qui est cet homme qui nous fixe du regard ? Le titre du tableau, capitaine de l'Aviron Bayonnais, peut sembler déroutant, alors même qu’il tient contre lui ce qui est sans aucun doute un ballon de rugby. Le jeune homme est Fernand Forgues, joueur de rugby et garagiste âgé de 28 ans. Il fait partie du club de l’Aviron Bayonnais créé en 1904 par des rameurs de la Société Nautique de Bayonne. D’abord consacré à l’aviron, le club intègre en 1906 un nouveau sport appelé “football-rugby”, marquant ainsi le début du rugby à Bayonne. En 1913, devant un public de 20 000 personnes, Fernand Forgues mène son équipe à la victoire lors de la finale du Championnat de France.
Mais pour comprendre les origines de ce jeu aujourd’hui si populaire, il nous faut remonter le temps, près d’un siècle plus tôt, en Angleterre. C’est dans ce pays, où Shakespeare vit le jour, que le sport s’est développé. La légende raconte qu’en 1823 un certain William Webb Ellis, joueur de football rejetant avec mépris les règles du jeu, se mit à courir sur le terrain le ballon dans les bras. Le rugby était né ! Pratiqué d’abord par l’élite anglaise, il finit par se démocratiser et en 1895 la première ligue de rugby autonome est créée par la classe ouvrière. Le développement de ce sport apporte avec lui de nouvelles valeurs comme l'honnêteté, l’effort et l’esprit d’équipe.
Mais revenons-en à notre tableau. Le corps du jeune homme, avec son physique robuste, son torse velu et ses mains aux veines saillantes, incarne la virilité moderne de l’homme depuis la fin du XVIIIe siècle. C’est aussi le corps d’un homme doté d’aptitudes nécessaires à la pratique du rugby, telles que la force, la dextérité, la vitesse et l’endurance.
Impossible de ne pas s’arrêter devant ce tableau. Le réalisme incroyable dont fait preuve le peintre attire irrémédiablement notre regard vers cet homme. Avec ce portrait, Eugène Pascau ne dépeint pas seulement un sportif, il ébauche une histoire du sport.
Fernand Forgues, capitaine de l'Aviron Bayonnais, Eugène Pascau, 1912, huile sur toile, Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne.
Texte et voix : Jade Bordages
Enregistrement : Hugo Passard
Montage : Jean Foucaud-Jarno
Musique & web : Philipp Fischer
Coordination : Julia Martin & Grégoire Verprat
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