Bertrand Belin • Douves
Bonjour, je m’appelle Anne-Rose et je vais vous parler de lutte, d’exil et de métaphore.
L'œuvre que je vais vous décrire est une estampe nommée Les Lutteurs, réalisée par Ossip Zadkine en 1967. Plongez dans un monde sans couleur, plaqué sans profondeur sur un bout de papier, un homme essaie de s’extirper d'un piège. Le dos penché en arrière prêt à vaciller dans un précipice, il résiste à son adversaire qui lui fait face. Les deux corps en noir et blanc forment une diagonale. Ils dessinent un mouvement, tout en se fixant dans l’instant fatidique qui déterminera l’issue du combat. Ils s’opposent, se mêlent, s’entrecroisent : ils luttent.
La carrière du sculpteur d’origine russe, Ossip Zadkine commence en France et plus précisément à Paris où il affirme devenir “véritablement artiste”. Mais en 1941, au cœur de la Seconde Guerre mondiale, l’artiste juif est contraint de s’exiler. Cet événement bouleverse autant l’homme que sa création puisqu’il soutient ne plus être en mesure de sculpter. C’est ainsi, en 1943, que ces lutteurs sont pour la première fois esquissés dans son atelier états-unien de Greenwich Village.
C’est de ce dessin qu’il va tirer le motif pour son estampe vingt ans plus tard. Le fait de creuser pour créer le motif, qui sera par la suite imprimé avec la technique de l’estampe, rapproche l’artiste de son médium de prédilection, la sculpture. Zadkine exprime la violence de la lutte par des traits hachurés, il dépeint ses propres angoisses, ses tiraillements. Décontextualisés et dénudés, ces lutteurs sont des métaphores de nos conflits intérieurs. La lutte violente et féroce du contexte guerrier se métamorphose en une force maîtrisée et contrôlée à travers la pratique sportive de la lutte.
Ce sport ancestral faisait déjà partie des Jeux Olympiques antiques où il était concouru nu comme sur cette estampe. La discipline intègre les jeux modernes dès 1896 et se décline en deux versions. D’une part, la lutte gréco-romaine n’utilise que la partie supérieure du corps, et de l’autre la lutte libre permet d’user de tout son corps pour parvenir à coller les omoplates de l’adversaire au sol.
Ce qui me touche particulièrement dans cette œuvre, c’est la puissance cathartique qu’elle confère à la fois au sport et à l’art. L’acte créateur de Zadkine est un exutoire autant que l'activité physique peut être libératrice.
Les Lutteurs, Ossip Zadkine, 1967, estampe, Paris, Musée Zadkine.
Texte et voix : Anne-Rose Sellier
Enregistrement : Colin Gruel
Montage : Jean Foucaud-Jarno
Musique & web : Philipp Fischer
Coordination : Julia Martin & Grégoire Verprat
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