Taylor Deupree • wet
Salut, moi c’est Loïc, je vais vous parler de sculpture, de mouvement et d’émotions.
L’œuvre dont nous allons parler est une sculpture en bronze qui s’appelle Le coureur et qui a été réalisée en 1955 par Germaine Richier. Fermez les yeux et pensez à une statue en bronze très grande mais d’une maigreur surprenante. Ce coureur est en équilibre sur une jambe, pris dans l’élan d’une course, le regard déterminé.
Cette œuvre est étonnante. Pour une sculpture de stade à Saint-Ouen, elle est assez loin du canon idéal du coureur de fond que l’on peut imaginer fort et musclé. Cette œuvre est représentative de l’artiste qui est derrière. Surnommée “l’Ouragane” et connue pour son caractère imprévisible, Germaine Richier est marquée par la violence de la Seconde Guerre mondiale. C’est à partir de ce moment-là que l’on voit sa manière évoluer : la noirceur de l’époque s’imprime sur les corps irréguliers, désaxés et écorchés. La matière n’est pas lisse. L’artiste étire, malaxe pour finalement déchirer la matière avec ses outils : elle veut la soumettre à un véritable supplice. Cet aspect ferait presque penser aux figures figées de Pompéi.
C’est justement ça qui est si spéciale dans notre œuvre : le corps du sportif n’est pas idéal. Il est banal, maigrichon. La statue semble en déséquilibre, la jambe en arrière et les bras en avant, prête à tomber. Le corps est étrange et hésitant. C’est un mouvement un peu paradoxal : donner l’impression que la statue est immobile mais qu’elle s’apprête à remuer, évoquer le mouvement sans le représenter. Notre coureur donne l’impression de vouloir s’arracher de la terre. La figure du sportif semble presque un moyen pour l’artiste de représenter une sorte d’échappatoire de la réalité trop dure de l’époque qui s’achève, comme si la statue s’enfuyait.
Je trouve qu’il y a quelque chose de fragile, de vacillant dans cette œuvre qui est assez touchant. L’artiste dit vouloir des sculptures pleines de vie, et justement, les formes creusées et déchiquetées ne sont pas ici pour nous inspirer la mort ou la peur, mais bien pour nous montrer la vie. La matière est torturée et porteuse d’émotions. C’est une figure qui est au fond très humaine, Germaine Richier le dit elle-même « seul l’humain compte ».
Le coureur, Germaine Richier, 1955, bronze, 192 cm de haut, Pantin, Centre National d’Arts Plastiques.
Texte et voix : Loïc Renavot
Enregistrement : Margot Page
Montage : Jean Foucaud-Jarno
Musique & web : Philipp Fischer
Coordination : Julia Martin & Grégoire Verprat
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