Bolis Pupul • Completely Half
Je m’appelle Justine, et aujourd’hui nous allons remonter le temps jusqu’au tournant du XXe siècle, pour assister à un combat de lutte alliant couleurs et mouvement et violence.
L’œuvre que je vous présente est une peinture à l’huile réalisée par Natalia Gontcharova aux alentours de 1910. Elle représente deux corps, l’un de face l’autre de dos, engagés dans une prise de lutte, se débattant sur une arène de foire au sol rouge foncé. Le cadrage serré nous révèle le choc de deux corps massifs, à la peau de couleurs jaune pour l’un et vert pour l’autre, défini par de larges contours noirs. Les deux lutteurs portent un bas et une paire de bottes noires et celui à la peau jaune, à gauche du tableau, porte un maillot rouge. Ce dernier nous regarde quand seulement le corps de son adversaire est discernable.
Ce qui m’intéresse dans cette peinture, c’est la manière dont les corps sont traités. Ici, les lutteurs ne sont pas représentés de manière naturaliste, c’est-à-dire fidèles à la réalité, mais de manière synthétique, l’accent est mis sur l’importance de la couleur comme vecteur des émotions des lutteurs plutôt que la réalité du combat. C’est une façon pour l’artiste de faire ressentir aux spectateurs la réelle violence qui en émane. Dans cette toile, le sport est traité par la peintre comme la métaphore du combat de l’artiste contre l’académisme, l’art n’est plus un art de salon mais un art d’exercice et au-delà un véritable combat. Un combat contre le passé auquel nous sommes ici conviés. Natalia Gontcharova, artiste néo-primitiviste : mouvement qui se développe en Russie autour de 1910, s’inspire des estampes populaires russes et prône un traitement plus synthétique des formes, qui trouve échos dans la brutalité d’une lutte.
Nous avons donc ici affaire à une métaphore de la lutte de l’artiste à la fois en tant que femme et artiste d’avant-garde vers une nouvelle vision des corps qui s’inspire dans son cas de la lutte. Une lutte sur tous les terrains.
Par ailleurs, la posture des lutteurs de Gontcharova est fidèle de celle des premiers lutteurs en Grèce Antique, front contre front ils s’agrippaient au niveau du torse et effectuaient une prise au-dessus de la taille, leur corps prenant ainsi la forme d’un “V” inversé. Les combats étaient supervisés par un arbitre pointant les fautes et la lutte était la dernière discipline du combat des jeux panhelléniques. Elle est intégrée pour la première fois aux Jeux olympiques en 1896 et devient très rapidement appréciée. Des centaines de styles de lutte se démarquent désormais dans le monde entier, faisant d’elle une des plus grandes disciplines des Jeux olympiques.
Ce que j’aime dans cette œuvre, c’est la force avec laquelle les corps s’entrechoquent. L’artiste met l’accent sur les couleurs qui viennent souligner les courbes et il devient facile d’imaginer la puissance des athlètes au combat.
Les Lutteurs, Natalia Gontcharova, peinture à l’huile sur 118,5 par 103,5 cm, vers 1909-1910, MNAM-CCI.
Texte et voix : Justine Camand
Enregistrement : Hugo Passard
Montage : Jean Foucaud-Jarno
Musique & web : Philipp Fischer
Coordination : Julia Martin & Grégoire Verprat
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