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Bonjour je m’appelle Mathilde et aujourd’hui je vais vous parler de plâtre, de science et de virilité.
L’objet en question est une sculpture d’une cinquantaine de centimètres réalisée par Paul Richer en 1898. Celle-ci représente un homme musclé, debout sur un socle. Chauve, moustachu, nu, il porte seulement une fine ceinture en tissu. Cet athlète se tient légèrement cambré tout en bombant le torse. Il tend son bras droit dans lequel il tient un poids, et pose sa main gauche sur sa taille. Il regarde son propre effort et semble satisfait.
Cette œuvre est celle de Paul Richer, sculpteur, illustrateur, neurologue et médecin ayant vécu entre le XIXe et le XXe siècle. Professeur d’anatomie à l’École des Beaux-Arts de Paris, il étudie les proportions du corps humain pour construire un canon physique parfait par des calculs scientifiques. Il utilise pour cela des inventions technologiques récentes comme la chronophotographie.
Sa volonté de définir ce qu’il appelle « le type le plus parfait de la nature humaine » n’est pas nouvelle : on la retrouve en Grèce antique, et durant la Renaissance. La notion de progrès est très importante au XIXe siècle : donc pour Richer, l’union de l’art et de la science permet le progrès artistique. Mais Richer écrit que « tout dans la réalité n’est pas bon à prendre » ; il met donc de côté, pour reprendre les termes employés au XIXe siècle, les infirmes, les malades, les « races inférieures », dans un contexte d’émergence de l’anthropologie raciale.
Finalement, qui sont ses modèles ? Les paysans et les sportifs blancs dans la force de l’âge, qui incarnent selon l’artiste, la puissance, la force et la beauté. Il véhicule une vision de l’athlète maître de lui-même qui doit certainement vous rappeler l’adage « un esprit sain dans un corps sain ». Ce discours est repris dans la politique de l’époque et par Pierre de Coubertin, créateur des JO modernes, qui souhaitait construire une élite virile et morale par le culte du sport. Cet idéal sportif masculin a malheureusement longtemps persisté dans les JO, jusqu’à la création des Jeux féminins en 1922 et des Jeux paralympiques en 1960.
Malgré les motivations pleinement artistiques de Richer, je n’adhère pas du tout aux idées véhiculées par cette œuvre. Mais je la trouve très intéressante pour comprendre l’évolution de la place du sport dans nos sociétés, le rôle qu’il joue sur notre vision du corps et le discours politique qu’il peut parfois porter.
L’Haltérophile, Paul Richer, 1898-1899, plâtre patiné, École des Beaux-Arts, Paris.
Texte et voix : Mathilde Bertholon
Enregistrement : Colin Gruel
Montage : Jean Foucaud-Jarno
Musique & web : Philipp Fischer
Coordination : Julia Martin & Grégoire Verprat
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