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Bonjour, je m’appelle Suzie et aujourd’hui, je vais vous parler de boxe, d’autoportrait et d’introspection.
Lorsque Pierre Bonnard peint Le Boxeur en 1931, cela fait vingt-sept ans que la boxe anglaise est admise aux Jeux Olympiques. La violence de ce sport impressionne et inspire au peintre une métaphore.
Torse nu, les poings en avant, fermés et serrés, le visage baissé, Bonnard s’apprête à vaincre un adversaire invisible. C’est par le contraste du rouge sombre sur un fond jaune, presque délavé, que la grimace de son expression faciale se détache aisément. Par le titre, nous nous attendions à voir un homme sportif et vigoureux. Tandis qu’ici, nous regardons un corps vieilli et décharné, que la couleur ne manque pas de ternir. Ce boxeur est donc faiblement prêt à combattre, et sa position paraît ironique.
En effet, en anglais, le mot « box » signifie « coup ». Et dans ce tableau, le temps porte un sévère coup au corps de l’artiste. Tel Rembrandt ou Van Gogh avant lui, Pierre Bonnard rythme sa vie d'autoportraits, se peignant à tous les âges, comme ici à soixante-quatre ans, face au miroir.
Mais quelle surprise ! Habituellement, ses tableaux sont lumineux et vibrants, utilisant un jaune synonyme de bonheur, celui du soleil et de la joie qu’il trouvait en Méditerranée. Ici, on ne retrouve rien de léger. Le jaune utilisé est plutôt troublant. Sur son visage nous lisons la lutte, la souffrance d’une vie, et son obscurité traduit l’inquiétude de la vieillesse. Ses yeux sont embués, il semble renfermé sur lui-même, comme s’il refusait le dialogue. Et l’apparente agressivité de cette posture de boxeur cache plutôt un sentiment de tristesse.
Comme sur le ring, le peintre confronte l’observateur, et se confronte lui-même. A moitié dans l’ombre, son corps semble nous dire : « la chair est triste et j’ai déjà vécu tous les désirs ». Derrière lui, une tâche évoque la feuille d’un calendrier fixé au mur, rappelant ce combat avec le temps qui passe.
Peut-être enfin, que ce tableau est une réponse à la critique artistique qu'il subissait à l’époque. Loin de la modernité des années 1930, ses œuvres, héritières du mouvement Nabi dont l’artiste a fait partie dès la fin du XIXe siècle, sont vivement critiquées. Si bien qu'il pourrait être en train de se demander s’il est encore utile de continuer à se battre.
J’aime ce tableau. Il suscite des émotions vives et dans son tourment, nous entraîne et nous guide pour analyser tout au fond de nous-mêmes, ce combat contre le Temps.
Le Boxeur de Pierre Bonnard, 1931, huile sur toile, 54 X 74,3 cm, Paris. Musée d’Orsay.
Texte et voix : Suzie Zanetta
Enregistrement : Colin Gruel
Montage : Jean Foucaud-Jarno
Musique & web : Philipp Fischer
Coordination : Julia Martin & Grégoire Verprat
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