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Aux alentours de 1936, la française Marie-Louise Simard réalise Rugby, une sculpture en bronze où des hommes nus aux corps puissants s’empressent vers un ballon ovale encore dans les airs, point de tension extrême où aboutit la composition pyramidale. Certains joueurs sont captés en plein saut, tandis que d’autres essaient de se frayer un chemin en agrippant et en poussant brutalement les autres.
Ce sport, c’est le rugby. Ses règles sont codifiées par les étudiants de l’école de la ville de Rugby et de l’université de Cambridge en Grande-Bretagne entre 1845 et 1848. Il en existe de nombreuses variantes mais c’est le rugby à sept qui est pratiqué aux Jeux Olympiques depuis les Jeux de Rio en 2016. L’essentiel ne change pas : plaquages codifiés, passes jouées vers l’arrière ou encore mêlées font partie des principales règles de cette discipline.
Mais pourquoi Marie-Louise Simard en a-t-elle fait le sujet de sa sculpture ? C’est une artiste dont la trace est très difficile à retrouver dans les archives, cependant il est clair que ses réalisations s’inscrivent dans le goût Art déco. Au début des années vingt, on voit naître un style décoratif très vaste, dont les inspirations puisent dans les périodes les plus anciennes comme l’Antiquité, le futur le plus abstrait, en passant par un goût nostalgique de l’artiste pour les Années folles.
Dans ce bronze, ces corps athlétiques renvoient à un idéal antique gréco-romain et sont associés à des visages extrêmement simplifiés, puisque seule la composition pyramidale formée par ces joueurs est nécessaire pour retranscrire la fougue de la scène. Cette sculpture correspond au culte du corps athlétique idéalisé du début du siècle, alors que les activités sportives en plein-air notamment populaires sont une source infinie de sujets pour les artistes européens de l’entre-deux-guerres. Elle était certainement destinée à orner un dessus de cheminée ou un salon de membres de la bourgeoisie en pleine expansion à cette époque.
Je trouve cette œuvre extrêmement captivante. De loin, elle s’apparente à un amas de muscles exacerbés, mais très gracieux, où des corps courbés et élancés se dressent vers le ciel dans une tension presque dramatique. Le rugby, brutal et intense, est ici sublimé, et ses rugbymen sont acteurs d’une composition dynamique.
Rugby, Marie-Louise Simard, 1936, sculpture en bronze, 77 x 85 x 33 cm. Musée d’Art Moderne de la ville de Paris.
Texte et voix : Line Puech
Enregistrement : Hugo Passard
Montage : Jean Foucaud-Jarno
Musique & web : Philipp Fischer
Coordination : Julia Martin & Grégoire Verprat