Sina Moon • Jaded
Je m’appelle Emilie, et je vais vous parler de Sumô, de rituels et de produits dérivés.
Au Japon, au XVIIIe siècle, dans un sanctuaire shinto, deux lutteurs de Sumô s’apprêtent à combattre. Vêtus de leur cache-sexe traditionnel, ils se dirigent vers le dohyo, zone de combat circulaire délimitée par des cylindres en paille de riz.
A vos marques, prêts… Ah non, attendez ! Vous grillez des étapes.
Ce sport puise son origine dans un rituel shinto. On se bat pour attirer les faveurs des dieux sur les récoltes. Pour cela, les lutteurs jettent des poignées de sel dans la salle afin de la purifier puis tapent des pieds pour éloigner les mauvais esprits. Maintenant, le combat peut commencer.
Le but ? Projeter l’adversaire hors de l’arène ou le faire tomber sur le dos en moins de deux minutes. Les lutteurs s’enlacent, s’entrechoquent. La tension monte, le public retient sa respiration.
C’est ce moment que choisit de capturer l’artiste, un graveur. Il isole les lutteurs sur un fond neutre, concentrant notre attention sur le rapport de force entre leurs deux corps. Deux masses que la page de format nishike-e soit environ une feuille A4 peine à contenir. Les traits d’encre sont vifs, sinueux, montrant une musculature décuplée par l’effort.
Depuis quand existe-t-il des combats de Sumô ? Sous leur forme rituelle, ils trouvent leurs origines avant le VIIIe siècle. Mais c’est environ mille ans plus tard, au XVIIIe siècle qu’ils prennent la forme que nous connaissons aujourd’hui. Les lutteurs deviennent des sportifs professionnels, sponsorisés par des daymos, des chefs locaux. Ils combattent lors de tournois selon leur classement : dans la matinée pour les moins forts et en fin de journée pour les prétendants au titre de meilleur lutteur. Le spectacle est extrêmement populaire. Le public, exclusivement masculin, se déplace en masse pour soutenir son lutteur préféré et déguster du saké.
Ce que je trouve passionnant avec cette gravure, c’est la raison même de son existence ! Au XVIIIe siècle, l’engouement pour les combats de Sumô est tel que les graveurs spécialisés dans les affiches de théâtre se mettent à produire des portraits de lutteurs célèbres. Ces productions bon marché, nommées sumotori, se vendent en souvenir d’affrontements mémorables ou pour soutenir un athlète particulièrement apprécié. Ce sont un peu les ancêtres des cartes panini !
Lutteurs de Sumô : le lutteur Jinmaku Shimanosuku et le lutteur Kashiwado Kan'dayû, Katsukawa Shun'ei, Japon, XVIIIe siècle, estampe ukiyo-e au formatnishike-e (soit 38 x 24 cm), conservée au Musée Guimet à Paris.
Texte et voix : Emilie Jacquot
Enregistrement : Margot Page
Montage : Jean Foucaud-Jarno
Musique & web : Philipp Fischer
Coordination : Julia Martin & Grégoire Verprat
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