La musique classique et au-delà • Metaclassique
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Dans les années 1880, dans son œuvre Le Lawn Tennis, Roger-Joseph Jourdain représente une femme assise sur un tabouret en bois, avec une raquette sur ses genoux, se reposant après une partie de lawn tennis. Elle porte une robe blanche à col en dentelle, un tablier à pois rouge avec une poche avant pour y ranger les balles, un chapeau rond et des chaussures à lacets.
Au-dessus de cette femme se trouve une banderole dans laquelle vous pouvez lire “lawn tennis”, vous retrouvez tous les éléments liés à la pratique de ce sport, balles, raquettes, filet, dans le cadre décoratif qui entoure la composition. Le lawn tennis veut dire “tennis sur gazon”, dérivé du jeu de paume pour en faire un sport en extérieur. Ancêtre du tennis moderne, ce sport élitiste se développe dans la sphère bourgeoise anglaise.
Pas de représentation des mouvements du corps ni de la course effrénée de la balle jaune au-dessus du filet. L’attention porte sur la tenue vestimentaire de la femme. Pourquoi porter une robe longue quand on peut porter une jupe-short et un débardeur ? En réalité, les joueurs amateurs portent leurs vêtements de ville. Grand rendez-vous mondain, l’élégance sur les courts reste la priorité, le coton blanc est à l’honneur. Les femmes viennent habillées comme si elles allaient à une garden party.
Les tenues des femmes sont particulièrement contraignantes et limitent leurs mouvements, notamment par le port du corset, pièce indispensable dans une garde-robe féminine. Pour le sport, les femmes portent un corset-ruban, composé de baleines métalliques verticales, recouvertes de tissu et reliées entre elles par des rubans de coton. Jusqu’en 1910, les corsets sont obligatoires et lors des tournois, les baleines en métal du corset cisaillent le buste des joueuses jusqu'au sang. Par comparaison, la tenue masculine est plus confortable, mais peu adaptée : les hommes se contentent d'enlever leur veston et de retrousser leurs manches.
Cette œuvre est pour moi un témoignage précieux de l'évolution des choix vestimentaires dans le monde du tennis. Aujourd'hui, alors que sa professionnalisation est admise, le choix des tenues de certaines joueuses reste fortement critiqué. Je pense à celle de Serena Williams à Roland-Garros en 2018 : une combinaison conçue pour stimuler la circulation sanguine après sa grossesse, décriée pour son absence de jupe et sa couleur noire. Finalement, le tennis est autant une histoire de balle et de filet que de mode.
Le Lawn Tennis, Roger-Joseph Jourdain, années 1880, huile sur toile, Paris, Musée des Arts Décoratifs.
Texte et voix : Alix Mielle
Enregistrement : Margot Page
Montage : Jean Foucaud-Jarno
Musique & web : Philipp Fischer
Coordination : Julia Martin & Grégoire Verprat