aupinard • tous les jours
Bonjour ! Je m’appelle Marion et je vais vous parler de bicyclettes, de presse industrielle et de liberté.
Je vous présente aujourd’hui une œuvre réalisée en 1995 par l’artiste César, de son vrai nom César Baldaccini et intitulée Compression. Il est fort possible que vous ayez déjà une petite idée de la forme de cette œuvre. Si je vous dis cinéma et cérémonie des Césars, est-ce que vous l’avez ? Les fameux Césars, trophées décernés chaque année par l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma aux meilleurs films et artistes, sont des compressions du sculpteur qui leur a donné son nom.
La compression dont je vais vous parler est en revanche d’un tout autre format. Bien plus monumentale que les élégants prix que nous venons d’évoquer. Figurez-vous un volume parallélépipédique, bloc régulier et dense, d’un mètre soixante-dix de haut, puis un enchevêtrement de guidons rouges, bleus ou rouillés, de fins pneus de vélos de ville ou de pneus plus larges, de pédaliers, de plateaux, de chaînes. Le tout écrasé, tordu, imbriqué à tel point qu’il devient difficile de reconnaître les bicyclettes qui ont servi de matériaux de base à l’artiste.
Le titre de l’œuvre fait ici directement écho à sa nature, pour réaliser ses compressions César utilise une presse industrielle qui lui permet de compresser ensemble des matériaux industriels : des épaves automobiles ou encore des bicyclettes, les agençant ainsi de manière aléatoire.
Lors de la présentation de ses premières compressions, le fait qu’il ne sculpte pas lui-même le métal fait réagir : provocation, coup d’éclat, coup de pub, ou gigantesque bluff, c’est selon. Il justifie son geste en disant « J'ai beau être fainéant, je n'ai fait que laisser faire à la machine ce que mes mains ne pouvaient pas faire ».
Pour comprendre cette démarche artistique, il nous faut d’abord revenir en 1960. Cette année-là, des artistes parmi lesquels Yves Klein, Arman, Jean Tinguely signent le manifeste d’un nouveau courant artistique : le Nouveau Réalisme. Prenant un rapport direct au réel et à la beauté du quotidien, ils incluent dans leur art des objets ordinaires, la ville, la rue, même les déchets deviennent un réservoir d’inspiration et de création. César s’inscrit donc dans ce courant en utilisant des objets de la vie de tous les jours ou trouvés dans les rues.
Alors justement ici, pourquoi des vélos ? César souhaite modifier notre regard sur les objets manufacturés et interroge la société de consommation de son époque. Dans cette œuvre, il transforme en matière première et de fait anobli, un objet lourd de symboles : le vélo. Le vélo, c’est le moyen de transport qui reçoit les faveurs du public depuis le XIXe siècle. Il joue un rôle majeur dans l’émergence de la presse sportive avec la création en 1903 du Tour de France par Henri Desgranges, directeur du journal l’Auto. Le vélo incarne aussi la liberté individuelle en permettant à tout un chacun de voyager alors que l'automobile restait un moyen de transport onéreux.
C’est également un nouveau rapport au sport, plus ludique, personnel, loin des institutions officielles. Fédérateur, le cyclisme se classe en 2005 au rang des trois premières pratiques sportives des Français, toute catégorie sociale confondue.
Je trouve intéressant de présenter cette œuvre d’art contemporain car bien qu’au attrait simple, elle incarne un moment de la pensée artistique particulièrement riche.
Compression, César, 1995, sculpture de bicyclettes compressées, 174 x 88 x 70 cm, Musée d'Art Contemporain du Val-de-Marne à Vitry sur Seine.
Texte et voix : Marion Desramaut
Enregistrement : Margot Page
Montage : Jean Foucaud-Jarno
Musique & web : Philipp Fischer
Coordination : Julia Martin & Grégoire Verprat
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