Lagrace • Vie
Bonjour, je m’appelle Agathe et je vais vous parler portrait, vidéo et football.
Zidane, un portrait du XXIe siècle est une installation vidéo des artistes contemporains Douglas Gordon et Philippe Parreno, filmée pendant un match en 2005 opposant le Real Madrid et le club Villarreal. Vous naviguez dans le noir entre dix-sept écrans retransmettant simultanément dix-sept versions du footballeur Zinedine Zidane pendant le match, le bruit diminue, la vidéo ralentit et vous n’entendez alors plus que sa respiration, le bruit sourd de ses crampons sur le gazon.
Un match de foot on connait mais qu’est ce qui en fait une œuvre d’art ? C’est qu’ici les caméras sont braquées sur Zidane, selon les écrans et les bandes son, il est comme seul sur le terrain, puis parmi les autres joueurs ou encore sur fond du stade. On le voit courir, réfléchir, communiquer avec ses coéquipiers, c’est un portrait diffracté, comme la matérialisation de tant de facettes qui composent l’identité jamais fixe ni fixée, toujours mouvante comme ces mouvements sur le terrain. C’est le portrait d’un homme iconisé dont le son tente de restituer l’intériorité, la concentration, tout comme son être est relié à un stade bruyant composé lui-même d’une myriade de personnes venues assister au match.
Qui est vraiment Zidane ? Ce joueur concentré, adulé, seul et en équipe, icône de plusieurs générations qui incarne la réussite sociale. Le portrait a longtemps été le privilège des élites royales et bourgeoises qui montrent leur statut, leur puissance. À la veille de sa fin de carrière de joueur, chacun a son image de Zizou.
L’œuvre faite par ces nombreux écrans nous montre leur diversité. Plus qu’un portrait de l’icône ou de l’homme derrière, c’est aussi celui d’un siècle avec ses loisirs, son mode de consommation du sport qui starifie les joueurs en les affichant partout. Ce portrait en mouvement pose des questions sur le genre même du portrait. Qu’est-ce qui en fait sa réussite ? Ce que l’on pense devoir capter, ce qui doit être restitué de quelqu’un ? L’œuvre sous-tend ces questions tout en mettant à nu ses procédés, les caméras filment parfois d’autres caméras ou le caméraman derrière. Elle capte les outils avec lesquels elle a été élaborée et avec lesquels elle rivalise.
J’ai été happée par le dispositif, à déambuler entre dix-sept écrans et points de vue, du feutré d’un pas à la liesse de la foule, pour découvrir Zidane autrement.
Zidane, un portrait du XXIe siècle, Douglas Gordon & Philippe Parreno, 2006.
Texte et voix : Agathe Bonin
Enregistrement : Colin Gruel
Montage : Jean Foucaud-Jarno
Musique & web : Philipp Fischer
Coordination : Julia Martin & Grégoire Verprat
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