• (R)accord
18:00
18:59
DESSINE-MOI UN MOUTON22 janvier 2015Ils sont partout. On fait appel à eux pour un oui ou pour un non, et en ces temps un peu durs, ils ont souvent parole d’évangile. On leur fait une confiance aveugle, comme s’ils détenaient la vérité sur des sujets aussi variés que le degré de préciosité d’une pierre, le conflit israelo-palestinien, la négociation avec des terroristes preneurs d’otage, la crise économique ou la dangerosité d’un individu. Dans un monde très (trop ?) complexe où il n’y a guère d’alternative entre la sur-spécialisation ou la débrouillardise, on confie une place centrale à l’expert. Comme si aucune réflexion ne pouvait être menée sans l’avis un expert / comme si aucune décision ne pouvait être prise sans l’avis d’un expert / comme si le fait même d’être un expert dans un domaine induisait un super-pouvoir : celui de l’omnipotence sectorisée. Une sorte de Dieu partiel (et partial), dont on ne saurait discuter l’avis. Bénéficiant d’une aura particulière : celle du scientifique objectif et quasi infaillible, les experts sont invités non seulement dans les médias, mais aussi dans les tribunaux : experts comptables, experts en balistique, experts en taches de sang. Ils sont bien nombreux à œuvrer au bon fonctionnement de la justice et plus particulièrement à la décision du juge. Parmi tous ces experts, il en existe un d'un genre bien particulier : l’expert psychiatre ou psychologue, chargé de juger de la responsabilité ou de l’irresponsabilité pénale du prévenu. En gros il s’agit de savoir s’il doit plutôt passer par la case prison ou par la case hôpital psychiatrique. A cette mission originelle s’est greffée celle de l’évaluation de la dangerosité de ce même prévenu, avec la loi de février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Il s’agit là d’estimer la probabilité de récidive du condamné et de savoir s’il doit ou non rester en prison (on parle alors de rétention de sûreté) ou s’il peut réintégrer la société. On passe alors de la protection du délinquant à la protection de la société contre ce même délinquant. Comment ce glissement s’est-il opéré ? Criminels sexuels et « homicideurs fous » sont les deux figures délinquantes qui inquiètent le plus et dont il faudrait à tout prix protéger la société ? A tout pris ? Comment les experts psychiatres assument-ils le rôle que la justice leur attribue dans la lutte contre la récidive ? Quand, comment et pourquoi la justice a-t-elle commencé à faire appel à des experts ? Quel est le rôle particulier des experts psychiatres dans le fonctionnement de la justice? Comment leurs expertises influencent-elles la décision du juge ? Comment les psychiatres définissent-ils la notion de dangerosité ? Qu’expertisent vraiment les experts psychiatres en France et ailleurs en Europe ? C’est à toutes ces questions que nous allons essayer de répondre avec notre invitée, Jennifer Boirot, doctorante en sciences politiques à l’Université de Versailles-St-Quentin et rattachée au laboratoire CESDIP. Elle termine en ce moment une thèse sur l’évolution de l’expertise psychiatrique en France et en Europe. Animation : Mélanie Péclat Chroniques : Flore Di Scuillo, Jonathan Landau, Maxime Fassiotti Réalisation : Maxime Fassiotti