Nicole Dollanganger • Nymphs Finding the Head of Orpheus
L'identité européenne: entre construction historique et artefact politique, c'est le thème de notre émission de rentrée. Avec nous pour en parler, Charles Flamand, géographe, spécialiste de l'Europe de l'est et auteur d'un mémoire sur les minorités hongroises en Roumanie (Identité et nationalisme chez les Magyars de Roumanie). Charles Flamand est également l'auteur d'un blog (En allant aux stades) relatant son périple à travers 18 pays d'Europe "de l'est" où le géographe, également passionné de football, a sillonné les stades en quête de rencontres et d'atmosphères collectives autant que de beau jeu. Il raconte, dans son blog, ces rencontres en ponctuant ses récits de mises en perspective historiques et géographiques.
Mais en guise d'introduction à sujet, voici l'édito très complet de Pascal: La légende raconte que c'est en Phénicie, dans l'actuel Liban, que Zeus se changea en taureau pour enlever la nymphe Europe, fille d'Agénor roi de Tyr, et l'emmener en Crète, où, après lui avoir fait 3 enfants (sous sa forme humaine), il la donna en mariage à Astérion, roi de Crète. La princesse aurait alors légué son nom au continent situé au nord-ouest de la mer d'Égée. Le mythe de la nymphe Europe a bien été écrit au VIIIème sicèle avant J.C par Hésiode, mais le fait que le nom du continent provienne de ce mythe n'est en revanche pas sûr, car il existe d'autres étymologies possibles dans le grec ancien ou le phénicien. Mais alors, s'il provient de la seule Grèce, que signifie ce mot Europe ? Qu'englobe-t'il ? Que rassemble-t'il ? Pourquoi un nom pour désigner un continent qui n'a pas d'existence géographique, puisque « le petit cap de l'Asie » comme le nommait l'écrivain Paul Valéry, est rattaché à cette dernière par de grandes frontières terrestres ? La quête des origines est toujours un problème. Un problème où la science rejoint souvent les préoccupations religieuses et politiques. Dès lors qu’il faut fonder un dogme ou une nation, les puissants aiment à creuser la terre et déchiffrer les parchemins ! Ils espèrent ainsi faire parler les vieux os et les vieilles pierres et gagner à leur cause la source haute et pure du passé, eux qui naviguent à vue sur le cours sinueux et trouble du présent. La question de l’origine de l’Europe n’est donc pas qu’un problème étymologique ! C’est par exemple un problème archéologique, tant il est vrai qu’on aime à nous faire descendre d’un peuple de pionniers dit « indo-européen », dont le proto-historien Jean-Paul Demoule montre que son statut n’est toujours pas établi, au XXIème siècle, entre vérité scientifique et mythe fondateur. Si l’on saute maintenant les millénaires, la question de l'identité européenne est rendue plus brûlante et plus compliquée encore par la création d'une Europe politique au sein de l'Europe, qui n'englobe jusqu'alors qu'une partie de celle-ci mais vient souvent à se confondre avec le continent du même nom. Et la crise institutionnelle et surtout économique de l'Union Européenne de pousser les citoyens à rejeter jusqu'à l'idée de l'Europe, comme si celle-ci n'avait jamais été qu'une juxtaposition d'Etats-nations aux frontières délimitées par des barrières linguistiques évidentes. Pourtant, après s'être déchirée par 2 fois au siècle dernier, l'Europe semble éprouver un besoin particulier de se définir, par sa démarcation géographique mais aussi par rapport à la nouvelle Europe, l'Europe hors-sol qui s'est formée en Amérique et en Océanie et qui a dépassé le vieux continent en terme de puissance et d'influence. Ainsi, certains écrivains ont enterré l'Europe originelle, comme Stéphane Zweig au milieu du XXème siècle ou Maurice Dantec à son terme, pour la voir renaître au Brésil ou au Canada. Car si l'Europe ne peut être définie ni par sa géographie, ni par son ethnicité, il est souvent fait référence à son esprit, mais celui-ci s'étant étendu à l'ensemble du monde dit occidental, on peut se demander s'il reste encore quelque-chose de propre à cette Europe restée à l'est de l'Atlantique, un lien, une culture, une envie de vivre ensemble ou au contraire de se démarquer. Lectures conseillées sur le sujet:Georges Corm, L'Europe et le mythe de l'occident, la construction d'une histoire, La Découverte, Paris, 2009 Anne-Marie Thiesse, La création des identités nationales, Europe XVIII-XIXème siècle, Points, 1999. Histoire de l'Europe, sous la direction de Jean Carpentier et François Lebrun, Points, 2002. Europe médiane, aux sources des identités nationales, sous la direction de Maria Delaperrière, Bernard Lory et Antoine Marès, Institut d'études slaves, 2005. L'Europe entre cultures et nations, sous la direction de Daniel Fabre, Mission du Patrimoine ethnologique, Collection Ethnologique de la France, Regards sur l'Europe, Cahier 10, Editions de la Maison des sciences de l'homme, Paris
Les derniers épisodes
Anthropologie de la diaspora sri lankaise en Ile-d...
jeudi 5 mars 2015
Les écritures du corps
mercredi 28 janvier 2015
Anthropologie d'une communauté Rrom de Montreuil
lundi 27 octobre 2014
Grand entretien avec l’anthropologue Jean Malaurie
vendredi 17 octobre 2014
Anthropologie du Paris cosmopolite
mardi 3 juin 2014
L'Empire colonial portugais et la question autocht...
vendredi 25 avril 2014
Les Voix du Crépuscule
Abonnez-vous au podcast