Juana Molina • In the lassa
Depuis des années, dans nos radios, sur nos télés, dans nos journaux, nous entendons parler d'une crise de l'immigration. Les politiques européennes, aussi bien nationales que communautaires (au sens « Communauté » Européenne) s'arqueboutent pour faire face à la vague migratoire qui s'abat sur l'Europe. Ces discours anxiogènes qui présentent l'immigration comme un problème, souvent en l'accompagnant de l'idée que nos pays n'ont pas les moyens d'y répondre, sont combattus par les défenseurs des droits des migrants et toutes celles et ceux attachés à la tradition d'accueil de la France qui répondent en présentant l'immigration comme une richesse et comme une chance pour le pays des droits de l'homme et son continent.
Abdelmalek Sayad disait qu'avant l'immigration, il y a l'émigration. Selon le sociologue, qui a donné son nom à la médiathèque du Musée de l'histoire de l'immigration, immigration et émigration sont deux phénomènes indissociables tels le recto et le verso d'une même feuille. Or lorsqu'on s'écharpe sur les effets, bénéfiques ou négatifs, de l'Immigration, il est rare qu'on se pose la question de quels sont les effets de l'Émigration. Il nous est courant de considérer ce phénomène de l'émigration comme un non-problème pour les pays d'origine, en projetant souvent l'idée qu'il s'agit de sociétés où l'on fait beaucoup d'enfants et où le départ de quelques-uns est en conséquence indolore. Nous parlons souvent à grand renfort de chiffres des sommes d'argent envoyées au pays par leurs ressortissants émigrés, ainsi que du « braingain », c'est-à-dire des étudiants qui partent étudier dans les « pays du nord » et accroissent ainsi le capital éducationnel de leur patrie d'origine. Pourtant, des évaluations récentes posent un regard sceptique sur ce fameux braingain, dans la mesure notamment où il n'est pas du tout évident que les étudiants devenus actifs reviennent dans leur pays. De même, sommes-nous sûrs que les sociétés de départ sont toujours si dynamiques démographiquement ? Et ces sommes d'argent transférées, si elles sont souvent utiles aux économies ne cachent-elles pas des histoires humaines, des familles dispersées, des sociabilités transformées ?
Loin de vouloir poser un diagnostic positif ou négatif sur ce phénomène de l'émigration, les voix du crépuscule ont décidé de s'y pencher pour porter la lumière sur cette face trop souvent oubliée de la pièce migratoire, en s'arrêtant sur le cas de trois pays concernés, sur trois continents différents : la Bosnie-Herzégovine, le Mali et le Vénézuela.
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