C'est quoi être étudiant à la Sorbonne • Cour d'honneur
18:00
18:59
Retour en force de la Matinale à l’aube de 2017 : ce soir, on décortique la pratique mystérieuse du « swipe » avec Inès Garmon, doctorante en sciences de l'information et de la communication, et on parle de la place des hommes et femmes noir.e.s en France avec Dolorès Bakéla, co-fondatrice du blog L’Afro.
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Avec la généralisation des écrans numériques tactiles dans notre quotidien – du smartphone à la tablette –, plusieurs anglicismes ont fait leur entrée dans le vocabulaire des usagers : « scroller », « liker », « follower », ou encore, bien connu des Tinder-addicts, « swiper ». Ultra-intuitif et apparemment anodin, ce geste du pouce qui consiste à envoyer le profil d’une personne à droite ou à gauche en touchant son écran est l'un des objets de la thèse que prépare Inès Garmon, que nous recevons en première partie d’émission (0' - 30'). Doctorante en sciences de l'information et de la communication et lauréate du Prix des Talents de la recherche créé par Rue89 et Fabernovel, elle décortique pour nous la valeur performative et la violence symbolique de ce « coup de pouce », a priori anodin, qui structure en fait l’économie des relations humaines pensées par Tinder – à droite : « je match, je veux te rencontrer », à gauche : « dégages, tu ne mérites pas mon attention ». Capable de prendre en charge et de condenser plusieurs sentiments en un mouvement aussi bref que quotidien, le « swipe » et son caractère radical permettent ainsi de repenser la sociologie des usages numériques, en l’ouvrant aux micro-mouvements, voire même « au vertige de l’infini » selon les mots de la chercheuse, pour à terme établir une sorte de grammaire des gestes numériques.
« Chacun investit ce geste de façon différente : il peut cristalliser le plaisir de puissance ou des affects plus négatifs comme l’ennui. C’est un geste qui joue sur l’instant éternel, comme le pouce en haut ou en bas des Romains. »
En deuxième partie d’émission, nous recevons Dolorès Bakéla, co-fondatrice avec Adiaratou Diarrassouba du blog L’Afro. Journalistes noires résidant à Paris, les deux femmes veulent rendre visibles certaines des couleurs de la France, République indivisible qui fantasme son universalisme. Avec leur blog participatif qui fête aujourd'hui son premier anniversaire, elles se focalisent sur le quotidien et les expériences de ceux et celles qu’elles appellent « Afrofrançais.e.s ». À travers des enquêtes, des entretiens, des reportages, ces deux "passeuses" et leur équipe entendent donner la parole aux hommes et femmes noir.e.s de France, dont les récits sont trop souvent inaudibles, voire parfois étouffés, comme en témoigne la polémique autour de la mort tragique d’Adama Traoré. En rappelant que l’Hexagone n’est pas QUE blanc, Dolorès Bakéla et Adiaratou Diarrassouba veulent mettre au centre du cadre les spécificités de l'expérience noire en France, en la distinguant notamment de l'histoire, a priori plus connue, des Africains Américains. Ce faisant, il s'agit également de rendre aux pratiques médiatiques françaises toute leur diversité et leur mixité, dans la lignée de médias comme Negro News, Noir et Fier ou encore le tout jeune Negus. Que du bon donc, que du nécessaire, que des choses dont on a plus que besoin en 2017.
« Être Noir.e, c'est une expérience totale, et c'est une expérience différente pour chacun. C'est aussi une expérience parfois compliquée et difficile, même à Paris. »
Enfin, côté chroniques, Clémence fait le tour des actualités étudiantes de la rentrée tandis que Pitoum revient sur les exactions impunies de l'opération Sangaris à l'occasion du lancement de Zero Impunity, un projet transmédia qui décrypte l'utilisation du viol comme arme de guerre
Présentation : Alban Barthélémy / Co-interviews : Anna Péan et Christelle Puga / Chroniques : Clémence Pesnot et Pitoum / / Réalisation : Mikel Perez / Web : Maureen Lepers / Coordination : Marion Guichaoua et Elsa Landard.